IA générative et expertise comptable : effet de mode ou révolution annoncée ?

Impossible d’échapper à l’intelligence artificielle.

Depuis quelques mois, les articles, posts et conférences se multiplient, que ce soit pour vanter les mérites de cette nouvelle technologie ou mettre en garde contre ses dérives. Notre profession n’échappe pas à ce mouvement d’ampleur, et on ne compte plus les annonces des éditeurs ou des instances liées à l’IA. Faut-il y voir un effet de mode ? Après la réalité virtuelle, le big data, les NFT (Non fungible tokens) ou le métavers, l’IA générative n’est-elle que la « vague d’après » ?

Qu’est-ce que l’IA générative ?  

Il s’agit d’un type d’intelligence artificielle capable de générer du contenu (texte, images, vidéos) à partir d’instructions fournies par un utilisateur. Contrairement à l’IA de science-fiction, elle ne possède pas de conscience propre et n’est pas autonome : son objectif est de produire la réponse la plus probable, au sens mathématique, à partir de son corpus d’apprentissage. Son approche est purement statistique : même si elle peut parfois en donner l’impression, l’IA générative ne raisonne pas au sens humain du terme.

Quelles sont les applications concrètes dans les cabinets d’expertise comptable ?

L’IA générative permet d’obtenir assez rapidement des résultats utilisables dans un cadre professionnel, elle permet d’optimiser certaines tâches ou d’enrichir des services existant : en d’autres termes, faire plus vite, ou faire mieux. Concrètement, dans notre secteur d’activité, il peut s’agir par exemple :

  • d’automatiser la rédaction de rapports et de commentaires, l’IA générative pouvant aider à la rédaction de commentaires de tableaux de bord ou de rapports financiers, à partir de données brutes ou de graphiques ;
  • de créer des supports de présentations, plusieurs solutions permettant de transformer un article, une page web ou des notes en présentation Powerpoint claire, et mise en page ;
  • de créer un robot conversationnel (chatbot) en quelques minutes, une IA générative pouvant en effet être alimentée avec un contenu spécifique (nouveau règlement comptable, documentation fiscale, convention collective, etc.), pour apporter une réponse technique aux questions des utilisateurs ;
  • de générer des supports de communication : sa capacité à transformer du texte permet de réaliser en quelques secondes des contenus pour les réseaux sociaux, un mailing, ou une fiche produit.

Il ne s’agit là que de quelques exemples simples, mais c’est avant tout la capacité de l’IA à travailler dans un langage naturel, aussi bien pour interpréter la question posée que pour y répondre, qui la rend si particulière.

Les éditeurs de la profession l’ont bien compris, et la tendance est désormais à l’intégration de « briques » d’IA générative dans toutes les solutions métiers, du logiciel de comptabilité à la solution de tableaux de bord, en passant par la gestion interne, le juridique ou le social.

L’IA générative va-t-elle nous remplacer ?

C’est généralement une des toutes premières questions posées lors des formations et conférences sur l’IA. On le comprend, au vu de la qualité des contenus produits par ces solutions. Toutefois, rappelons que l’IA générative :  

  • ne raisonne pas : elle ne pèse pas le pour et le contre pour apporter une réponse logique, mais a « seulement » une approche mathématique, statistique ;
  • est susceptible de réaliser des erreurs : son mode de fonctionnement, probabiliste, entraine mécaniquement le risque que l’IA produise un contenu crédible, mais totalement erroné. On parle alors « d’hallucination » ;
  • n’a rien d’une baguette magique : la qualité des résultats est directement liée au degré d’expertise de l’utilisateur en IA générative et à sa capacité à mobiliser son esprit critique.

Pour toutes ces raisons, à ce stade, l’IA générative ne peut donc pas remplacer l’expertise humaine : elle permet à ceux qui sont formés à son usage d’automatiser certaines tâches chronophages, pour gagner du temps ou enrichir leurs missions.

Quels sont les risques liés à son utilisation ?

L’usage de solutions d’IA générative dans un contexte professionnel présente toutefois plusieurs risques :  

  • confidentialité des données : par défaut, la plupart des solutions d’IA générative grand public utilisent les informations fournies par l’utilisateur pour enrichir leur corpus d’apprentissage. C’est totalement incompatible avec l’obligation de secret professionnel qui pèse sur la profession comptable. Il faut donc anonymiser les données fournies à l’IA, voire s’interdire certains cas d’usage ;
  • risque d’hallucination : on l’a dit, une IA générative peut commettre des erreurs. Il est donc indispensable de sensibiliser ses équipes à cette question et de systématiser la vérification des contenus produits ;
  • perte de temps : paradoxalement, lorsqu’aucune approche structurée n’est mise en place et que chaque collaborateur travaille de son côté sur ses propres cas d’usage, le cabinet dans son ensemble peut perdre du temps.

Par où commencer ?

Compte tenu des possibilités nouvelles apportées par l’IA mais aussi des risques associés, on voit souvent deux types de réactions dans les cabinets d’expertise comptable : l’ouverture totale des solutions d’IA générative aux collaborateurs, ou l’interdiction absolue (et franchement illusoire). 

Pourtant, dans les deux cas, le risque est le même : perdre le contrôle de son usage, et voir se multiplier les contenus de faible qualité, erronés, ou utilisant des données confidentielles. Les cabinets qui implémentent efficacement et dans la durée l’IA générative optent au contraire pour une approche intermédiaire et méthodique :

  • la formation de l’ensemble des équipes, car tous les métiers du cabinet sont concernés par ce changement ;
  • la définition de règles claires visant à limiter les problématiques de confidentialité ou d’hallucination de l’IA ;
  • une mise en commun des meilleurs cas d’usage et des requêtes associées (les « prompts ») ;
  • la mise en place de points réguliers pour réfléchir à de nouvelles possibilités d’utilisation, partager les succès et les échecs, et maintenir une « culture IA » dans le temps.

Les cabinets qui souhaitent industrialiser l’usage de l’IA et utiliser leurs données confidentielles vont plus loin, en paramétrant des modèles d’IA générative sur leurs propres serveurs, ou en ayant recours à des solutions spécialisées, clés en main, qui commencent à voir le jour et offrent des garanties en termes de confidentialité et de sécurité.

Lancez-vous !

Alors, effet de mode ou révolution ? Ce bref article vous aura fourni, je l’espère, quelques éléments pour vous faire votre propre opinion. Une chose est sûre, bien utilisée, l’IA générative permet d’automatiser des tâches chronophages au sein du cabinet, et donc de passer plus du temps à apporter de la valeur aux chefs d’entreprise. Paradoxalement, plus d’IA peut donc aussi signifier plus d’humain dans la relation client !

Les experts-comptables et leurs collaborateurs ont déjà vécu l’informatisation, la dématérialisation, la reconnaissance de caractères automatique, l’automatisation grandissante de la saisie… l’IA doit être appréhendée comme une étape de plus dans cette transformation. Une étape bien différente,  à la fois par sa nature et son ampleur, mais une étape qu’il ne faut pas manquer, car en matière d’IA générative, le principal risque reste celui de ne pas l’utiliser.

Julien Catanese Aubier
Diplômé d’expertise comptable, consultant et formateur
Co-fondateur Insignà Formations

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